Madeleine de Verchères

Montréal, le tout début février 1975. Je suis chez moi et le téléphone sonne. C'est un interurbain.

Moi: Allo?

Téléphoniste: Monsieur Jean Besré?

Moi: Oui.

Téléphoniste: Un appel d'Ottawa. Un instant s'il vous plait.

Je m'attendais à entendre la voix du Premier Ministre Trudeau, ou celle de John Turner... enfin, je ne sais pas, quelqu'un d'important... Ce n'était que celle d'Albert Millaire.

Albert: (Lire la voix d'Albert Millaire sur un ton raide et pressé. Albert l'a un peu changée depuis que je lui en ai fait la remarque. Sa voix est plus douce. Il ne m'a même pas remercié.) Allo? Jean?

Moi: Salut!

Albert: Es-tu libre cet été?

Moi: Non. J'ai décidé de me reposer.

Albert: Non, pas pour jouer. Pour écrire la comédie musicale de Marjo, à Eastman.

Moi: J'ai jamais le temps.

Albert: Est-ce que ça te tente?

Moi: Laisse-moi le temps d'y penser. Tu veux une réponse quand?

Albert: Tout de suite.

Moi: Ce soir!?

Albert: Oui. Tu m'as dit que tu voulais écrire?

Moi: Oui.

Albert: Ben... c'est l'temps!

Moi: J'ai jamais le temps!

Albert: Cyrille écrit la musique. Moi, les paroles des chansons. Toi et moi on construit le scénario, et toi, tu écris le texte. Ça t'intéresse?

Moi: J'ai jamais le temps! J'ai La Petite Semaine, j'enregistre des narrations et...

Albert: Oui, oui: t'as le temps.

Moi: Laisse-moi y penser un peu!... J'ai jamais le temps!

Albert: Ça t'intéresse?

Moi: Oui. Mais on va parler de quoi dans la comédie musicale?

Albert: Tu m'as déjà dit que tu avais une idée de pièce?

Moi: Oui, mais je ne crois pas que l'idée que j'ai en tête se prête à une comédie musicales. Non.

Albert: C'est pas grave. Maryse Pelletier m'a parlé d'un thème. Je rentre à Montréal dans deux jours. Peux-tu venir chez moi jeudi?

Moi: Oui.

Albert: A part ça, tu vas bien?

Moi: Oui, Toi?

Albert: Parfais. A jeudi.

Et c'est ainsi qu'a vu le jour ma première pièce (musicale) professionnelle: Madeleine de Verchères ou (un titre que nous avons trouvé trop tard mais qui me plaît davantage) "Si Madeleine m'était conté". Aussi, (ça, c'est mon côté sentimental qui apparaît) j'éprouve un certain plaisir à écrire cette comédie pour la région des Cantons de l'Est. C'est un coin que j'affectionne particulièrement puisque j'y suis né et y ai connu une jeunesse merveilleuse. C'est "plate" à dire mais c'est comme ça!

Jean Besré