Il est une saison

J’aime Alceste parce que c’est un grand amoureux. Sa haine, née d'un amour trop immense, trop absolue, on la retrouverait chez une grande quantité d'hommes, s'ils avaient le courage de l'étaler publiquement et s’ils ne se laissaient pas gouverner par des principes et des préjugés sociaux qui ont beaucoup plus à faire avec la peur qu’avec l’amour.

J'aime la misanthropie qui foudroie et qui ouvre des avenues nouvelles à la vérité, à la libre expression de l’homme. Le misanthrope s’immole sur l’autel préfabriqué de la société et des conventions mais son refus du monde et de ses lois, son rejet des hommes et de leurs bouffonneries, enseignent la grandeur et la dignité. Même au travers des éclats de rire, il laisse une inquiétude, des traces de pureté. Et les femmes qui ne partagent généralement pas ouvertement ses idées ne peuvent quand même pas s’empêcher de l’entendre. Secrètement en elles, naît l’idée de la consolation.

Tout est paradoxal mais la vie n’a pas été pensée par un ingénieur ou un architecte ou un homme de loi ou un économiste. « Il Est Une Saison . . . pour la galanterie » et pour l'amour. C’est malencontreux, mais elle est à la fois la plus longue et la plus brève de toutes. Les peines sont interminables et pénibles à supporter à endurer, les joies; le bonheur. . . cela passe souvent sans que nous ne nous en apercevions.

Marcel Dubé